4. L’anneau

Anneau contraceptif vert

Je me suis absenté plusieurs semaines pour un séjour en Allemagne et mon retour à la maison invite à l’inévitable passage par la boîte aux lettres. Y gît une belle enveloppe, dans laquelle je sens la présence de l’anneau commandé avant mon départ. Je me précipite dans la chambre, excité à l’idée de commencer cette nouvelle expérience. Les mains légèrement tremblantes, j’arrache l’enveloppe et découvre, sans surprise, l’Andro-switch.

[Je ne suis ni médecin, ni scientifique. Les quatre épisodes disponibles ci-dessous racontent une réalité non romancée, un témoignage à destination d’une population qui désire en apprendre davantage sur le contrôle de son corps et de sa contraception.]

📓 Lire l’introduction
📘 Le premier épisode : La déconstruction
📗 Le deuxième épisode : La prise de conscience
📕 Le troisième épisode : Le spermogramme
📙 Le quatrième et dernier épisode : L’anneau

Mon précieux

L’anneau est fidèle à celui que je manipulai lors de mon passage au Planning Familiale. Sa couleur blanchâtre ressemble à celle du sperme. L’extérieur lissé contraste avec l’intérieur rugueux, mieux adapté pour tenir sur la peau délicate de la verge et du scrotum. Pour se donner une idée de sa circonférence, il suffit de joindre son pouce et son index.

Le calendrier affiche le premier novembre lorsque, le caleçon baissé et le sexe à l’air, je porte l’anneau pour la première fois. Plutôt cocasse comme date choisie pour s’apprêter à éliminer des millions d’individus en devenir. « Une belle manière de célébrer les morts », pensé-je en glissant l’anneau autour de ma verge.

Pour l’occasion, je me rappelle les échanges avec le collectif Les Remonté·e·s. Certains clamaient qu’il était plus doux de se raser entièrement le sexe pour limiter le tortillement des poils et des douleurs inhérentes. Face au miroir, je tiens l’anneau dans une main et mon sexe dans l’autre. 

Pour l’occasion, la tondeuse est passée autour de mon appareil génital. Sans poil aucun, il me paraît démesurément plus gros, même au repos. Un certain orgueil s’empare de moi, futile sentiment de fierté sorti d’une époque où je fréquentais les vestiaires, où la taille du sexe mesurait la supposée virilité de chacun des corps prêts à sauter dans la douche. 

Les corps qui arboraient les plus gros bazars étaient les plus à l’aise. Ils se trimballaient d’un bout à l’autre de la pièce carrelée comme des mannequins en parade. En revanche, les autres faisaient profil bas. Ils louchaient en direction du sol, esquissant des regards furtifs vers ces sexes bien taillés qu’ils fantasmaient dans le secret de ne plus se faire taxer de « petite bite ». « Les vestiaires sont pas chauffés aussi », tentaient-ils vainement de se justifier face au fossoyeur de la masculinité toxique. Aujourd’hui, dans la chambre, la température se veut plus clémente.

D’un geste doux, je glisse ma verge dans l’Andro-switch, entièrement. Puis je pince mon scrotum, ce bout de peau à la texture ingrate qui enveloppe les testicules. D’une délicatesse exagérée, je tire le tout au travers de l’anneau. Graduellement, mes testicules remontent au contact de mon bassin. Elles roulent de part et d’autre de mon pénis pour se blottir dans les creux inguinaux, avec autant d’aisance qu’une boule qu’on aurait lustrée.

Face au miroir, je contemple à nouveau mon corps, cette fois habillé de l’anneau. Mon appareil reproductif est cerclé d’un bout de silicone. Légèrement compressé, il paraît plus épais et surtout plus relevé. Un sourire malicieux me fend le visage. « Si les gars des vestiaires avaient vu ça, ils auraient été époustouflés ».

Voyage, voyage :

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Test produit

Je me fis docilement aux consignes qui m’avaient été fournies par le Planning Familial ou Les Remonté·e·s. Tous les matins au réveil, j’enfile l’Andro-switch que je porte jusqu’à la nuit venue, au moment de poser mon livre, d’éteindre la lumière et de m’évanouir sous la couette. 

Après deux semaines d’utilisation, je constate deux effets secondaires. Le premier est de l’ordre d’une irritation cutanée. La repousse des poils pubiens au contact de l’anneau provoque des tiraillements peu agréables. De bénignes plaques rosées apparaissent sur les lieux de frottement. Un rinçage à l’eau clair ainsi qu’un lavage régulier de l’Andro-switch et de mon appareil génital apaisent les rougeurs et n’entraînent aucune complication. 

Le second changement est d’un ordre que je qualifie de charnel. Sous les bons conseils de Marc Galiano, andrologue urologue que j’écoutais dans un épisode du podcast des Couilles sur la table animé par Victoire Tuaillon, j’éponge à chaque fois que j’urine les dernières gouttes du bout de mon urètre avant de ranger mon pénis. Jusque-là, rien d’étonnant. La sensation d’une feuille de papier toilette, même douce et fournie d’une triple épaisseur, n’a jamais provoqué le moindre effet au contact de mon gland. 

En revanche, avec le port de l’anneau, cette action d’ordinaire si banale devient une véritable partie de plaisir. Chaque toucher délivre une sensation agréable, onctueuse. Des frissons chatouillent le gland, comme une imitation sommaire de l’immense courant électrique qui parcourt le corps au sommet d’un orgasme. Pisser se mue étrangement en un geste coquin, où le tamponnement de la feuille sur le bout du sexe provoque un inexorable sourire mêlé d’un plaisir clandestin.

Puis les journées défilent et j’enregistre pour certaines un peu moins de quinze heures de portage ; pour d’autres un peu plus. Je suis tellement habitué à l’Andro-Switch que, dans le noir de certaines nuits, je me réveille surpris d’observer mon sexe engoncé dans le silicone. « Mince, j’ai encore oublié de le retirer », me secoué-je dans ce cas. Durant le coït, il est rare, mais guère impossible, que je garde volontairement le dispositif. « Comme tes testicules remontent, ton pénis paraît plus élancé », s’exclama-t-elle une fois. 

À des moments identifiés, particulièrement lorsque je pars marcher ou pédaler et que je suis amené à suer, l’anneau glisse. À l’entrée de l’hiver, lorsque des températures polaires blanchissent le paysage, mes organes se rétractent et l’anneau échoue au fond du caleçon. Dans les deux cas, mes fréquents passages aux toilettes me permettent de remettre le dispositif en ordre. 

En résumé, je porte désormais l’anneau depuis plusieurs mois. Au moment où je couche ces lignes, je ne consigne nulle autre effet secondaire et indésirable. Le plaisir caché du papier toilette a même disparu. L’Andro-Switch reste docilement enroulé à la racine de mon pénis et je le porte comme je porte mes sous-vêtements. Inconcevable me paraît une sortie sans anneau : ne pas se saisir de l’anneau revient en fait à oublier d’enfiler un slip.

Brèves de comptoir :

En conclusion

Le dispositif porte ses fruits puisque, comme le notifient les extraits de spermogrammes ci-dessous, ma concentration spermatique de 120 million/Ml enregistrée le 23 août 2023 chute à 0,6 million/Ml neuf mois plus tard, le 27 mai 2024. De fait, je suis considéré infertile. Autrement écrit, ma faible concentration spermatique ne permet pas de livrer normalement à un ovaire les spermatozoïdes nécessaires à une fécondation naturelle. Toutefois, si les probabilités de donner la vie sont désormais limitées, je reste conscient que je ne suis pas stérile et que le risque 0 n’existe pas.

Extrait du spermogramme du 23 août 2023
Extrait du spermogramme du 27 mai 2024

Toujours assuré de ne pas vouloir assurer de descendance, je suis pleinement satisfait de cette démarche qui fait de moi un homme contracepté. Alors qu’un an auparavant je titubais à songer au monde mystérieux de la contraception masculine, j’évoque aujourd’hui avec liberté et enthousiasme ce sujet. Ce choix m’appartient et je ne subis aucune pression. Porter l’anneau est aussi léger, comme je l’écrivais, qu’un sous-vêtement. De surcroît, je reprends entièrement le contrôle de mon corps et de mes envies, sans avoir à décharger sur ma partenaire l’intégralité de la charge contraceptive. 

Je suis convaincu que le port de l’anneau, et au sens large la contraception masculine, propose un excellent moyen de réajuster les forces qui équilibrent hommes et femmes. Dans la recherche d’un épanouissement commun, la contraception masculine permet aux deux sexes de s’évertuer à partir de bases proches de l’égalité — la charge contraceptive chez l’homme demeure encore largement minoritaire. 

J’espère humblement que cette série de billets nourrira les témoignages et alimentera les débats pour altérer les opinions en faveur d’une juste répartition de la contraception. Plus qu’un bout de silicone autour de la verge, l’anneau comme les autres dispositifs symbolise les prémices d’une histoire à inscrire dans le temps.

Anneau contraceptif vert

📸 Photographies par Franck Le Quellec
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