Aubrac, troisième film sur les GR français 🐄🎞

Temps de lecture : 7 minutes

📔 Itinéraire

📅 5 jours
🗺 78.9 kils
⛰️ 2 240 D+ / 1 920 D-
🥾 107 090 pas
🏕 3 nuits en bivouac et 2 nuits chez Julie & Hervé (encore merci)
📍 Du Ruisseau du Tayrac (12) à la Crous del Pitchou (12) en passant par l’Aubrac
📸 Kodak Black & White 400TX

La carte ci-dessus représente le trajet effectué aux mois de juin et juillet, entre le Puy-de-Dôme et Saint-Rémy-de-Provence.

📔 Aveyron/Conques

L’espace de quelques jours, je suis de retour sur les chemins qui mènent à Saint-Jacques-de-Compostelle. Dans une petite heure, je devrais gagner Conques, une étape incontournable des chemins qui mènent à Compostelle puisque le pittoresque village est classé comme l’un des Plus Beaux Villages de France. Je m’amuse à croiser le regard des pèlerins qui, probablement en route depuis plusieurs jours, semblent épuisés. Le soleil cogne aujourd’hui, le mercure doit frôler les trente degrés Celsius. La sueur ruisselle sur les front rouges et chauds des marcheurs.

Conques, aux portes de l’Aubrac
200622 – Conques – 44.6°N, 2.39°E

Les pèlerins que je rencontre s’étonnent de me voir parcourir le chemin en sens inverse. Alors que je m’avance vers Conques, eux abandonne la cité classée. « Tu ne vas pas à Compostelle, me lance l’un deux » ? Je me rappelle mon étonnement lorsqu’un an auparavant, je croisais sur mon itinéraire pour Compostelle des pèlerins qui eux aussi rebroussaient chemin. Mais qu’est- ce qui importe le plus, la fin ou les moyens ? Saint-Jacques-de-Compostelle ou le pèlerinage ?

Bivouac aux portes de l’Aubrac
200622 – Bivouac – 44.61°N, 2.5°E

📔 Aveyron/Refuge du Soulié

D’après sa définition, la rencontre consiste à se trouver en présence d’un être vivant ou non, par hasard ou de manière organisée. Une rencontre peut ainsi se dessiner autour d’un simple croisement, d’un vif regard, d’un mouvement de main ou alors de quelques mots. Depuis Conques, à force de remonter le chemin qui mène à Compostelle, je ne cesse de « rencontrer ». Des pèlerins bien évidemment, mais aussi des lieux, des sentiers, des arbres, des oiseaux. Néanmoins, je prends conscience que ces rencontres resteront éphémères. Est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle j’écris, pour laquelle je photographie, la raison qui me pousse à vouloir me souvenir ?

200623 – Sylvie – 44.6°N, 2.53°E

Certains pèlerins avec qui j’ai partagé un bout de chemin l’année dernière en me rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle m’ont conseillé de prendre une pause au Soulié. Le Soulié est une minuscule bourgade. A son entrée, un refuge dit Donativo du même nom que la bourgade y est ouvert. « L’accueil ainsi que l’ambiance y sont des plus surprenantes, m’écrivait Martin. Tu dois absolument t’y arrêter si tu marches par-là » !

A peine arrivé au refuge, on me tend un café et une boîte de biscuits. Je prends, je remercie, et m’assoie sur l’un des bancs en bois qui entourent la petite table à laquelle plusieurs convives partagent ce qui ressemble aux restes d’un succulent petit-déjeuner. À force d’échanges avec les pèlerins dont les pérégrinations donnent matières à de nombreux sujets, je croise ce regard, celui d’une femme. Ce regard, je le connais. Ce regard, je m’en souviens puisque Sylvie, qui en est la porteuse, nous avait déjà accueillis en qualité d’hospitalière dans l’albergue de Grañón, sur le Camino Francés.

Sylvie est une femme d’une soixantaine d’années, au visage fin, recouvert de cheveux courts et grisonnants. Derrière ses lunettes aux montures arrondies, ses petits yeux concentrent une sagesse et une générosité qu’il est difficile de trouver ailleurs. Originaire d’une lointaine Normandie, elle se sauve régulièrement de chez elle pour offrir de son temps aux aubergistes des chemins de Compostelle. Une fois en France, une fois en Espagne, une fois à la montagne, une fois à la campagne, elle apporte chaleur et bonne humeur aux pèlerins qui souhaitent profiter d’échanges privilégiés et de conversations jacquaires. Le temps de quelques mots et photographies, je réalise que Sylvie restera de ces rencontres qui ne se confondent dans l’oubli.

📔 Aveyron/Estaing

« J’aime vivre comme un sauvage qui se lave dans la rivière », m’indique fièrement David. David est sapeur-pompier dans la vie de tous les jours, marcheur inconditionnel dans la vie qu’il rêve de mener. Du haut de ses deux mètres, il me demande si nous pouvons partager l’aire de jeux dans laquelle je me suis installé pour bivouaquer. Naturellement, j’acquiesce. Nous poursuivons alors notre conversation. David se décrit comme un marcheur philosophe. Selon lui, la marche est une perpétuelle fuite du quotidien. Un moyen d’oublier qui l’on est, pour revenir à des choses simples. A un instinct qu’il s’amuse à expliquer comme plus « primaire ».

200623 – Le Sauvage 1 – 44.55°N, 2.67°E

« Si je pouvais, je tiendrais un écriteau indiquant que quelques fruits et boîtes de sardines me suffisent à avancer ». J’aime sa philosophie.

Pour son mois de vacances, il a décidé de descendre la Via Piodensis, jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port. D’après ses calculs, il me précise avoir avalé le quart de son périple. Je lui rétorque qu’il se trompe, qu’il est plutôt autour d’un huitième. Puisqu’une fois à Saint-Jean-Pied-de- Port, je doute qu’il puisse renoncer à poursuivre son pèlerinage.

200624 – Le Sauvage 2 – 44.55°N, 2.67°E

📔 Aveyron/Espalion

Pourquoi marches-tu seul ?
Pour ne pas avoir à marcher à plusieurs.

L’une des innombrables réponses à cette question tant de fois posée.

📔 Saint-Côme-d’Olt

Alors que je progresse sous un soleil de onze heures qui se veut déjà ardent, je pense à mes dernières journées, à mes passages dans les charmantes et historiques ville de Conques, d’Estaing, ou d’Espalion. Enfin, je me rappelle surtout mon agréable journée de pause en compagnie d’Hervé.

Hervé
200626 – Hervé – Espalion

En arrivant dans la coquette maison en bord de Lot que Julie et lui-même habitent, je suis surpris par la bibliothèque.

Regarde ma bibliothèque et tu comprendras qui je suis

Hormis les Guillaume Musso que collectionne ma mère ou divers bouquins entassés à la maison ou chez des copains, je n’avais encore jamais parcouru une bibliothèque comme celle de Julie et Hervé. Intégrée dans une habitation à la décoration pensée autour des quatre coins du globe qu’ils ont arpenté, leur meuble littéraire construit de vieilles caisses de vins regorge de livres de voyages et d’aventures. On y croise du Mike Horn, du Sylvain Tesson, du Alexandre Poussin, du Sarah Marquis, une palanquée d’autres auteurs du genre ainsi que de multiples revues sur l’exploration à vélo, la vie en montagne, et j’en passe.

Entre quelques pages de lecture, Hervé a décidé de me partager sa passion. Désormais apiculteur, il s’est lancé avant mon départ ce matin dans une dégustation de miels. De l’Aveyron et de l’Aubrac bien évidemment, à l’Hérault, en passant par des coins comme le Sri Lanka ou Madagascar, les sucres de ces différentes et excellentes productions apicoles ont fait frétiller mes papilles, tel un gosse dévorant un sachet de bonbons.

Chaque cuillère est apparue comme un lointain voyage dans un monde imaginé par Roald Dahl. Un voyage au pays de la sucrerie, un voyage qui donne le plein d’énergie. A chaque cuillère arrivait un commentaire, soigneusement sélectionné par Hervé, pour présenter les caractéristiques des substances ambrées contenues dans de vieux pots de confitures. Il était sept heures du matin, je regrette avoir été trop fainéant pour sortir mon carnet et poser sur papier chacune de ses luxueuses descriptions.

Note pour plus tard : être moins fainéant.

L’une des photographies vous plaît ? Rendez-vous sur le shop pour commander un tirage !

📔 Aubrac/Mourgue

Le tonnerre gronde. Dans les ténèbres de la nuit, j’entends le vent caresser la cime des arbres. L’eau commence à ruisseler sur la toile de tente. Le vent pénètre la forêt par intermittence, se faufile entre les arbres et vient bousculer mon nylon. J’essaie de me réfugier dans le bruit blanc du ruisseau qui coule derrière moi. Mais rien y fait, les Dieux poursuivent leur colère, la pluie continue de tomber, le vent de souffler, et le tonnerre de gronder.

Bivouac à Mourgue avant le plateau de l’Aubrac
200626 – Bivouac – 44.58°N, 2.92°E

📔 Aubrac/Plateau de l’Aubrac

En fin de matinée, je gagne le très réputé plateau de l’Aubrac. A mille quatre cent mètres du niveau de la mer, les grandes plaines et collines laissent apparaître sur leurs vertes prairies des amas de fleurs jaunes et violettes, vestige de la floraison qui débute tous les printemps.

Alors que je m’enfonce dans les tourbières qu’empruntent les rares sentiers du plateau de l’Aubrac, j’observe d’un regard méfiant les majestueux taureaux qui trônent en vrais rois au milieu des troupeaux qui m’accompagnent. Maîtres des lieux, les bêtes s’interrogent. « Qui es-tu ? Que fais-tu par ici ? T’es tu pris la tempête la nuit dernière » ?


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