13/11

Temps de lecture : 4 minutes

📅 Saint Jacques de Compostelle – Journal de bord – 13/11

📍 Arzúa – Saint Jacques de Compostelle
🥾 20.4
⏱️ 07:25
🌡️ Soleil
⛺ Albergue à Saint Jacques de Compostelle
📋 Détail des étapes

Un peu plus de 38 kilomètres jusque Saint Jacques de Compostelle. Si tout se déroule comme prévu, ce soir, je suis au pied de la cathédrale. Nous ne perdons pas trop de temps et nous mettons en route assez tôt dans la matinée. Les filles partent à 7 heures, je suis feignant et quitte l’albergue vers 8 heures. 

Pas de pluie prévue aujourd’hui. Nous essuyons de belles éclaircies pendant presque toute la journée. Sur les coups de midi, je rejoins les filles sur le chemin, nous entamons la seconde partie de la journée ensemble. 

J’ai comme un sentiment d’excitation qui s’empare de moi. D’une part, je sais que je suis très proche de mon objectif. Ça me rassure et ça me motive aussi. D’autre part, j’ai l’impression que cet objectif va apporter un terme à mon aventure. Et j’en ai pas franchement envie. Même si la météo a été exécrable sur les derniers jours, j’hésite encore à poursuivre le chemin jusque Fistera. J’ai quitté Tours il y a deux mois, et je n’ai pas vu Jeanne depuis plus de deux semaines. Tout commence à me manquer, je n’arrive pas à peser le pour et le contre face à cette situation. 

A midi, nous prenons le temps de déjeuner au bout de la piste de l’aéroport de Saint Jacques de Compostelle. Alors que nous observons les grands oiseaux blancs décoller, nous réfléchissons au temps de vol nécessaire pour rentrer à la maison. Pour ma part, un vol Saint Jacques – Tours doit prendre deux heures au grand maximum ; et je marche depuis deux mois maintenant. 

Il nous reste 10 kilomètres jusque la cathédrale. En milieu d’après midi, les premières pluies commencent à tomber. L’humidité et le froid nous gagnent peu à peu lorsque nous commençons à entamer la très longue et horrible traversée de la banlieue de Saint Jacques. En fait, sur ces 10 kilomètres restants, 8 sont consacrés à la traversée de la banlieue plus ou moins proche du cœur historique de Santiago. 

Nous passons le Monte De Gozo (“Mont de la Joie”), un monument installé sur une colline à l’entrée de la ville sainte. Ce monument, aussi laid soit-il, est situé à un endroit où l’on peut, lorsque la météo le permet, observer la cathédrale. Avec la bruine qui s’abat sur nous, nous ne bénéficions bien évidemment d’aucune visibilité. Nous préférons ne pas attendre d’éclaircie et poursuivre le chemin, il doit nous rester une heure de marche. 

A nouveau, je m‘interroge sur les raisons de ce voyage. Je sens maintenant que ce séjour s’achève, et un sentiment d’incompréhension s’empare de moi. Ai-je envie de poursuivre ? Ai-je envie de rentrer ? J’ai marché au total plus de 1400 kilomètres. J’ai rencontré des personnes incroyables, j’ai dormi dans des endroits que je n’oublierais jamais, j’ai ris, j’ai pleuré, mon corps m’a parfois fait souffrir, j’ai perdu une petite dizaine de kilogrammes, mais surtout, j’ai pendant deux mois réussi à vivre libre et affranchi de toutes les futilités apportées par le quotidien. 

Nous sommes en fin d’après midi quand nous pénétrons dans le centre de Saint Jacques de Compostelle. La météo a tourné, il ne pleut plus mais le ciel est particulièrement menaçant. Il s’agit sans doute d’une manière pour les Dieux de nous féliciter. Peu importe, nous fonçons têtes baissées vers la cathédrale. Dans les rues sinueuses du centre-ville, nous croisons quelques pèlerins que nous avions croisé entre ici et Saint-Jean-Pied-de-Port. A la différence des autres étapes, les conversations sont brèves, nous ne sommes animés que d’une seule chose : cette fameuse cathédrale.

Enfin, il est tout juste 18 heures quand nous arrivons devant la majestueuse et tant attendue cathédrale de Saint Jacques de Compostelle. L’édifice est aussi spectaculaire que nous pouvions l’imaginer. Nous nous asseyons sur la place qui devance la cathédrale, bouteille de rouge tout juste bouchonnée. Nous nous regardons tous, et un seul et même constat s’en suit :

C’était simple en fait.

Et d’un coup, toute la pression retombe. Nous restons assis une bonne heure sur cette place. Alors que certains d’entre nous tombent en larmes, d’autres sautent de joie, certains mitraillent la cathédrale de photos. Nous comprenons assez rapidement que le dénominateur commun est cette force qui nous a habité plusieurs semaines pour nous permettre d’atteindre cet objectif, et qui d’un coup retombe, face à l’immensité de la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle.

Au loin, j’aperçois un pèlerin que je peine à reconnaitre. Mais au plus il se rapproche, au plus je me dis que je l’ai déjà croisé quelque part. En fait, il s’agit d’Alexandre, le premier pèlerin que j’ai croisé sur le chemin alors que je venais de quitter Poitiers, il y a presque deux mois de ça. Quand nous nous reconnaissons, sans se poser de question, nous nous prenons dans les bras. Je lui propose un verre de vin, il me propose de prendre un cliché devant la cathédrale.

Cathédrale Saint Jacques de Compostelle

Dans les jours qui suivent, j’ai le choix entre poursuivre jusque Fistera ou rentrer à la maison. Deux facteurs  influencent largement ma décision : Jeanne, ainsi que la météo. Je peux rester ici plus longtemps, mais je considère mon voyage terminé. J’avais prévu d’atteindre Saint Jacques de Compostelle entre deux et trois mois, je l’ai fait. J’avais prévu de bivouaquer un maximum tant que les conditions me le permettaient, je l’ai fait. J’avais imaginé des paysages divers, des rencontres variées, de bons moments comme des galères, je l’ai fait. La décision de retourner à un mode de vie plus classique, proche des codes que l’on a toujours connu, et surtout en un claquement de doigts, n’est pas des plus simples. Mais à l’heure où j’écris ces lignes, je suis au moins sur d’une chose, si je suis rentré, et sans aucun doute pour mieux repartir plus tard.


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