Sainte-Catherine au Sinaï

Dans les pas du Prophète — Six jours au cœur du Sinaï

Temps de lecture : 13 minutes

Au courant de l’hiver 2022, mes jambes brûlent de gambader dans des contrées méconnues. Je consulte un planisphère, à la recherche d’une destination riche en merveilles. Depuis longtemps, je me passionne pour les pays arabes. Rapidement, mon doigt s’égare sur la péninsule éponyme. Arabie saoudite, Oman, Émirats… À l’ouest, en direction du couchant, je louche sur un pays à l’histoire tumultueuse : l’Égypte et sa péninsule, le Sinaï.

J’appelle Fahd, un ami de longue date, avec qui nous organisons un séjour de trois semaines au pays fantasmé des apprentis archéologues. En premier lieu, nous décidons une promenade historique le long de la vallée du Nil. Ensuite, nous embarquons pour le Sinaï et un trek de six jours que je vous livre ici. Enfin, nous terminons par des allers-retours entre Le Caire et Alexandrie.

Comme toujours lorsque je voyage, je conserve dans la poche de ma chemise un carnet et un stylo, et autour de mon cou un appareil photo argentique. Ces trois semaines de belles pérégrinations m’ont permis de publier un livre, simplement intitulé L’Égypte. Les commentaires proposés sur chacune des étapes sont issus de ce récit.

Six jours au cœur du Sinaï

📅 6 jours
🥾 55 kilomètres au cœur du Sinaï
🏔 2 160 D+
📍En boucle autour de la ville de Sainte-Catherine
📸 Olympus OM-1n avec pellicules Kodak Gold 200
🔗 Recevoir un exemplaire de mon récit L’Égypte

📅 2 février

🥾 16,5 kilomètres
🏔 560 D+
📍 De Sainte-Catherine au Shob’s Garden

📓 En voiture, en direction d’Abou Sela

« Le lendemain, nous quittâmes rapidement le Fox Camp pour grimper à bord d’une Peugeot 504 au coffre allongé, et dont la vétusté n’était plus à prouver : plancher troué, vitres fissurées, portières débondées, ceintures oubliées. Khaled, notre chauffeur qui nous avait récupérés à la sortie de la vallée des Rois, aurait probablement crisé.

Le commandant de bord du long véhicule à la robe blanc cassé allait devenir notre guide pour les cinq jours à venir. Il répondait au prénom d’Ahmed. Son sang coulait avec la tribu Jebeleya, une tribu présente à Sainte-Catherine depuis presque mille quatre cents ans. Il était un jeune homme au visage fin et gracieux, à la barbe naissante et aux yeux mystérieux. Dans son regard, nous pouvions deviner l’intrigante culture bédouine, celle qui fait de l’homme un être du désert, mangé par la terre et dévoré par la poussière. C’était envoûtant. Il portait une longue djellaba blanche et une paire de baskets de course. À la différence de beaucoup d’autres bédouins que nous avions déjà croisés, son turban tirait vers le jaune ocre. Aussi, nous remarquâmes au bout des manches de sa djellaba des boutons de manchette, et autour de son poignet gauche, une montre plaquée or.

Enfin, le pied à terre, le sac serré sur les épaules et les hanches, nous guettions le break qui disparaissait dans un murmure nébuleux. À l’extérieur d’Abou Sela, nous étions désormais seuls au monde — Ahmed, Fahd et moi-même — dans la beauté immuable et singulière qu’est celle dont on s’extasiait déjà la veille, celle des montagnes du désert ».

Aux portes du Sinaï
220202 – Fahd, Ahmed et Simon – 28.59°N, 33.93°E
📓 Au sommet du Gebel Naja

« Plus tard dans la matinée, nous escaladâmes le sommet du Gebel Naja (1 846 mètres). Les derniers mètres, fait de pentes rudes et de monstres granitiques, n’auraient en aucun cas suggéré l’immensité qui nous entourait. Quand notre regard bascula au-dessus de la crête, à quelques mètres seulement du sommet, nos sacs à dos tombèrent au sol. La surprise était sidérante.

Au devant, sur des dizaines de kilomètres, le désert s’étalait à perte de vue, mordant en son bout un ciel étincelant. Au loin, flanquée sur le rivage d’un large banc de sable brut, de petites dunes ondulaient comme des vagues dans un remous de poussière. Leurs crêtes étaient coiffées par des poussières de magnétite et d’ilménite, deux roches aux teintes noires et constituées d’oxyde de fer dont regorgeait le Sinaï.

La sécheresse avait enfoui la vie. Seule la roche demeurait, invincible, immortelle, immuable. Elle était l’origine, l’essence même, de ce décor pittoresque. Pour rien au monde nous aurions souhaité la changer. Ni même pour les Alpes suisses, ni même pour les forêts d’Amazonie, ni même pour les grands espaces américains. Ici, tous les trois, face à ce monde sans fin, nous nous rêvions en explorateurs de terres inconnues, celle d’un monde nouveau, différent et singulier ».

Déjeuner au Sinaï
220202 – Déjeuner – 28.6°N, 33.89°E
220202 – Explorateur – 28.6°N, 33.89°E

📅 3 février

🥾 7,5 kilomètres
🏔 310 D+
📍 Du Shob’s Garden au boustan de Hussein Abou Ghalaba

Brèves de comptoir :

📓 À l’approche de Galt el-Azraq

« Au détour d’un virage en lacet, la nature nous rappela l’ardeur du désert, son accueil inhospitalier et les pulsions meurtrières qui en incombaient. Le parfum de la mort nous embauma et nos visages, dégoûtés de ces sordides effluves, se crispèrent. Devant nos pieds, éclairé par un soleil rutilant et gisant sur un amas de roches décomposées, le cadavre d’un mulet entravait le chemin. Sur le corps en pleine décomposition, une partie de la peau et des muscles avait complètement fondu et de rares derniers poils patientaient avant de brûler. Ahmed nous indiqua que la bête était morte accidentellement. Les chutes étaient courantes sur ces sentiers dangereux. Un pas malheureux et la course folle vers la mort devenait une fatalité. La montagne, le désert, le Sinaï, tous étaient des pièges qu’il ne fallait jamais sous-estimer.

220203 – Putréfaction – 28.57°N, 33.88°E

Nous étions tous les trois, plantés là, à observer le cadavre. Il n’y avait plus rien à faire. Juste à accepter la rudesse du désert ».

« Dans l’après-midi, le ciel se couvrit. Un épais coton, gris comme la poussière, nous survolait. La température avait drastiquement chuté. Ahmed venait de confirmer les chutes de neige prévues en soirée ou demain dans la journée. Nous tremblions déjà de froid. Le vent, ajouté au ciel chargé, rendait à la température un ressenti guère supérieur à cinq degrés. Les pauses devenaient glaciales, et en conséquence compliquées. Face au souffle du vent, nous avions cessé de bavarder. Nous craignons les efforts, puisque la transpiration qui en coulait nous refroidissait. Nous étions fatigués ».

Farsh Umm Sila dans le Sinaï
220203 – Farsh Umm Sila – 28.57°N, 33.88°E
📓 Chez Hussein Abou Ghalaba

« Au milieu du wadi Talah Kebira, Ahmed nous invita dans un boustan similaire à celui dans lequel nous avions passé la dernière nuit, similaire à ceux que nous avions croisés en cours de route. Celui-ci appartenait à un certain Hussein Abou Ghalaba, et il allait devenir notre refuge pour la nuit. La composition était la même que la veille : de simples murs de pierres entre lesquelles s’éparpillaient matelas, couvertures, et foyer.

Lors de notre arrivée, Ahmed le chamelier s’affairait promptement à la préparation du pain. Une recette aussi simple qu’elle était réconfortante : farine, eau, sel, sucre et huile d’olive, le tout mélangé de longues minutes, pour une cuisson rapide et efficace. De ses doigts osseux, le chamelier pétrissait la pâte. D’abord élastique, elle devenait au fil de ses mouvements délicats, onctueuse.

Au même moment, notre guide alluma un feu qui éclaira la pièce. Sur les murs, les ombres de nos corps se mouvaient dans une certaine volupté. Il déposa sur le foyer un grand chapeau de métal, convexe, qui allait prendre la température nécessaire à la cuisson des pains. Le cuisinier torturait son pétrissage. Ses mains ne cessaient de s’agiter, dans des mouvements hasardeux et complexes. La pâte était malmenée, autant qu’il le fallait pour que l’ensemble des ingrédients ne fasse qu’un. Soudainement, sans un mot, il sortit le pétrin de son saladier. Minutieusement, il le sépara en une dizaine de boules, toutes légèrement plus petites qu’une balle de tennis. Il saupoudra sa préparation d’une bruine de farine. Puis, une boule après l’autre, il aplatit chacune d’entre elles à l’aide d’un cadavre de bouteille de vin rouge israélien, dans le dessein d’obtenir de rondes galettes d’un diamètre de quarante centimètres au plus.

Sous le chapeau brûlant, le foyer flamboyait. Le feu était prêt à recevoir les pétris d’Ahmed. En une poignée de secondes, la magie opéra. Les galettes lancées une à une sur le chapeau dégageaient une odeur de pain cuit délicieuse. Elles nous rappelaient les odeurs des boulangeries françaises, au bout de la nuit, alors que les fours tournent à plein régime. Sous nos yeux ébahis, les pâtes se soulevaient, gonflaient, prenaient vie. De menues bulles poussaient, abandonnant au pain un relief désordonné. Pour chaque pain, le chamelier se chargeait de tourner et de retourner la préparation. C’était un garçon rigoureux. L’obtention d’un pain cuit à point, parfaitement rond et sans défaut apparent, devenait en cette soirée sa raison d’être et d’exister ».

📅 4 février

🥾 6,6 kilomètres
🏔 130 D+
📍 Du boustan de Hussein Abou Ghalaba à Umm Saad’s Garden

📓 Chez Hussein Abou Ghalaba

« Toujours, le vent continuait de hurler. Entre les hautes montagnes aux sommets noyés dans un océan de nuit, d’intrépides rafales à l’insatiable pouvoir de faire trembler les murs de notre boustan rendaient vulnérables.

— Réveille-toi, s’exclama Fahd. Le petit-déjeuner est prêt et une soupe t’attend.

Le visage engourdi de sommeil, je glissai ma tête hors de la bâtisse de pierre pour comprendre l’origine de cette tempête. Le paysage avait changé, désormais pigmenté par une neige blanche, pure et fraîche. La fureur du vent avait apporté avec ses impitoyables hurlements des flocons dont la couleur contrastait lourdement avec les teintes sèches du Sinaï. Des nappes d’ivoire recouvraient les wadis et gebels voisins. Elles rendaient à la montagne et son désert une beauté toute particulière. En revanche, dans cette affreuse bataille, le soleil avait succombé. Les noirs nuages qui survolaient notre camp l’avaient dérobé. Ils l’avaient enterré dans un monde qui ne nous appartenait plus ».

220204 – Chameau d’Ahmed – 28.54°N, 33.88°E
📓 Au milieu du wadi Gibal

« Peu avant midi, en remontant le wadi Gibal, nous gagnâmes un jardin coincé au creux d’un vallon. Entre les quelques terres en jachères qui dormaient là, nous trouvâmes un petit boustan, à l’apparence toujours similaire à ceux que nous abandonnions depuis le début de notre marche. Au contraire, l’intérieur du buron était baigné d’un halo de lumière. Le toit percé laissait descendre un faisceau divin qui éclairait avec poésie les visages durs et serrés des six Bédouins qui s’entassaient là. Dans les aspérités des murs, nous remarquions de vieux bibelots, croulant sous une épaisse couche de poussière. Des horloges à aiguilles rappelaient à leur cliquetis que le temps n’était pas à l’arrêt. Une lampe frontale, des bougies, des briquets, un poste de radio, un rétroviseur, du papier toilette, des contenants de toutes formes et de toutes tailles ; toute cette myriade d’objets nous laissait supposer que ce buron était souvent fréquenté.

Les six Bédouins, assis en tailleurs sur des matelas à même le sol et disposés autour d’un ardent foyer, dégustaient un verre de thé. Il était bouillant. Une vapeur tourbillonnante s’élevait vers le toit. Les paroles étaient fluides. Certains regards fuyaient vers nos dégaines occidentalisées, sans pour autant devenir intrusifs. La pièce bénéficiait d’une aura particulière. C’était agréable de s’installer ici et d’observer. L’un des six, visiblement le plus âgé de l’assemblée au regard de ses cheveux cendrés et de ses rides creusées, fumait une cigarette roulée d’un tabac qu’il nous précisait cultiver lui-même, dans les montagnes.

Nous remarquâmes qu’à chacune de ses prises de parole, les bavardages s’estompaient. Un silence immobile les absorbait pour rendre à l’ancien une place digne de son nom, celle du doyen. Tous, sans exception, l’écoutaient. Dans ces situations, le vieil homme empruntait des allures de grand orateur, pleins de contes et légendes, dont ses spectateurs adoraient s’abreuver.

Brume sur le Sinaï
220204 – Brume – 28.53°N, 33.91°E
220204 – Cuisine – 28.53°N, 33.91°E
220204 – Mains – 28.54°N, 33.92°E

📅 5 février

🥾 12,4 kilomètres
🏔 450 D+
📍 Du Umm Saad’s Garden à Sainte-Catherine

📓 Au sommet du gebel Abbas Pasha

« Quelque tranche d’un pain trempé de miel et d’omelette frite, et nous recouvrâmes le courage nécessaire à la poursuite de notre aventure. Ce matin, Ahmed nous emmena au sommet du gebel Abbas Pasha, à 2 283 mètres du niveau de la mer. La tempête qui nous arrosait de nuages enneigés la veille avait disparu vers de lointains horizons et sous un ciel désormais bleu, parsemé de rares nuages, nous avalâmes sans hésitation le dénivelé qui nous séparait des cimes.

Au sommet de cette singulière montagne, nous découvrîmes les vestiges d’un palais. L’histoire racontait qu’Abbas Pasha, petit-fils du grand réformateur Méhémet Ali d’Égypte, avait ordonné la construction de ce palais, sur les plans d’une véritable forteresse, pour des raisons principalement médicales. Gagné par la tuberculose, il avait pensé qu’une vie en altitude serait bénéfique pour son état de santé. Il mourut avant l’achèvement de la construction qui, de facto, fut interrompue. Aujourd’hui, seules de rares ruines demeuraient.

220205 – Fahd – 28.56°N, 33.92°E
Sainte-Catherine au Sinaï
220205 – Sainte-Catherine – 28.56°N, 33.92°E

Tout autour des vieilles pierres, une neige encore fraîche de la veille recouvrait de petits bouquets de selah, la plante drue qu’Ahmed nous qualifiait de gourmandise pour chameau la veille. Nous nous y frayâmes un chemin pour découvrir un panorama gigantesque, une véritable carte topographique à échelle humaine. De notre position, tout était abrupt et aride. Les montagnes montaient et descendaient dans des formes discontinues.

Parmi les géants qui nous surveillaient, nous remarquâmes le gebel Musa (2 285 mètres), et plus au sud le mont Saint-Catherine (2 629 mètres). Leurs sommets se confondaient avec les petits nuages qui flottaient comme des barques sur les eaux douces d’un lac. Au pied de la montagne sacrée, la bourgade de Sainte-Catherine apparaissait comme une petite fourmilière. Nous y aperçûmes la mosquée et son dôme doré, le Fox Camp où nous avions passé notre première nuit. En tendant l’oreille, nous perçûmes le ronronnement d’une ville en éveil, grouillante de vie. Au loin, nous discernâmes les chantiers des grands hôtels en devenir. Ahmed allait nous expliquer plus tard que la ville était un haut lieu de pèlerinage, et que cette fréquentation avait attiré beaucoup d’investisseurs pour la ville.

— Is that good news for the city ?

Il ne savait pas. Il n’était pas sûr que des grands hôtels soient bénéfiques pour le calme de sa cité. Il préférait attendre pour juger ».

220205 – Ahmed – 28.56°N, 33.92°E
220204 – Nana – 28.54°N, 33.92°E
220205 - Ahmed chamelier - 28.54°N, 33.92°E
220205 – Ahmed chamelier – 28.54°N, 33.92°E

📅 6 février

🥾 5,7 kilomètres
🏔 700 D+
📍 De Sainte-Catherine au mont Sinaï

📓 Sur les pentes du mont Sinaï

« Nos corps sont à nouveau éteints par le poids de nos sacs à dos. Dans la matinée, nous nous alanguissions des frais rayons solaires d’altitude en terrasse du Fox Café, un petit bistrot situé à mi-chemin du Fox Camp et de la mosquée de Saint-Catherine. Ahmed nous y rejoint et, après quelques boissons chaudes, nous décidâmes de partir à la conquête du troisième plus haut sommet d’Égypte, le gebel Musa.

Nous n’en doutions nullement, pour grimper à 2 285 mètres, le chemin serait rude. Dans les montagnes désertiques, le granit ne pardonnait pas. Sous un ciel de plomb, il accumulait la chaleur du soleil, rendant à l’environnement un terrain de jeu difficile. Marcher donnait soif. Regarder donnait soif. Se reposer donnait soif. Nous multipliions les pauses pour nous abreuver. Ahmed connaissait la montagne comme n’importe quel Bédouin. À chaque source, nous prenions le temps de nous abreuver et de nous rafraîchir le visage. En route, il nous affirma qu’au cours de l’année, il avait grimpé le Sinaï sept fois en sept jours. C’était un record, nous précisa-t-il fièrement ».

📓 Au sommet du mont Sinaï

« Doucement, le soleil pointait vers l’horizon. Munis de grosses couvertures et chaudement habillés, nous venions de grimper les cent derniers mètres pour nous installer au sommet des 2 285 mètres d’altitude qu’enregistrait le mont Sinaï. Nous étions exposés plein ouest, dans la direction de l’astre couchant. Le froid rugissait. Le vent qui soufflait sur l’un des toits de l’Égypte était comme des claques données par un géant. Devant nous, les bordures des montagnes étaient comme limées, joliment polies. Toutefois, elles contenaient une myriade d’aspérités et de saillies qui rendaient à chacun de ses sommets des formes uniques. Surtout, elles se teintaient de couleurs nouvelles. C’était une palette qui tirait d’un bleu roi vers un orange safrané. L’astre solaire tombait si lentement que nous avions l’impression que le temps était à l’arrêt. 

Fahd et moi ne cessions de bavarder. Peut-être avions-nous peur de nos sentiments à cet instant. Peut-être craignions-nous d’avouer la sincère beauté qui incombait de ce pittoresque paysage. À quelques pas, les vendeurs des échoppes en contrebas étaient venus s’installer. Comme des fantômes silencieux, ils remuaient avec souplesse sous leurs grosses couvertures. Ils murmuraient un arabe que nous peinions, à notre grande habitude, à comprendre. Mais ils conféraient à l’espace une ambiance poétique, exotique. Aussi, un photographe anglais braquait son objectif vers la boule de feu. Seul, il attendait l’instant, celui que personne ne voulait louper. Bientôt, le soleil passerait de l’autre côté ».

220206 – Ombres – Position inconnue
220206 – Crépuscule – 28.54°N, 33.98°E

📅 7 février

🥾 6,2 kilomètres
🏔 10 D+
📍 Du mont Sinaï à Sainte-Catherine

📓 Au sommet du mont Sinaï

« Le lendemain, le réveil fut brusque. L’échoppe où nous passions la nuit fut réveillée par de premiers pèlerins, dès cinq heures du matin. Les yeux entrouverts, nous assistâmes à une croissante agitation. De quatre à cinq pèlerins, nous passâmes à dix, puis à vingt, puis à cinquante peut-être. Tous étaient gelés des basses températures qui régnaient. Notre commerce devenait un excellent refuge, un moyen de se protéger du vent et de se réchauffer à l’aide d’un café ou d’un thé. À force d’observer le monde s’entasser, nous prîmes l’initiative de sortir de l’échoppe. La nuit était encore dense, mais à l’est, par-delà la mer Rouge, au-dessus de l’Arabie saoudite, un mince filet de lumière apparaissait. Le jour allait arriver.

Nous restâmes aux abords de notre échoppe tout au long de la matinée. De cafés en cafés, nous attendions avec impatience l’arrivée du soleil. Les remous provoqués par la foule incessamment croissante apportaient à l’atmosphère un air pesant et désagréable. Nous avions été presque seuls durant les cinq derniers jours. Nous retrouver face à une foule si dense nous noyait d’effroi. Nous ne nous sentions pas prêts à retourner dans le monde, le vrai ».

📓 Au monastère Sainte-Catherine

« Au cœur du Sinaï, le monastère Sainte-Catherine était fortifié derrière des murs d’un granit ocre d’une épaisseur de deux mètres et d’une hauteur de onze. En son sein, de petites allées dallées sinuaient entre les vingt-quatre chapelles du site. De minuscules fenêtres, camouflées derrière des volets de bois entrebâillés surveillaient le passage. L’air était doux, plein de charme. Il y planait un air de ville méditerranéenne. Les couleurs blanches et douces, mêlées aux ombres des quelques arbres et arbrisseaux qui poussaient ici et là, oseraient suggérer que nous ne nous situions pas sur l’une des terres les plus hostiles de ce monde. Les ruelles étaient bercées de murmures. Les horloges tournaient au ralenti. Au bout d’une allée, le « Buisson-Ardent », un rubus sanctus de la famille des Rosacées, dormait paisiblement sur une pierre nacrée qui s’abreuvait du soleil de la matinée ».

220207 – Tour de la basilique – 28.56°N, 33.98°E 2

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