Si vous souhaitez randonner dans l’Essonne et visualiser l’itinĂ©raire complet, n’hĂ©sitez pas Ă vous rendre sur la premiĂšre partie.
đ Vendredi 15 mai
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đ De la Chapelle de Fourche Ă la Pierre Droite
Aucune comparaison nâest possible. Cette nuit a Ă©tĂ© bien meilleure que la prĂ©cĂ©dente. Certes, le sol Ă©tait plus mallĂ©able ; mais surtout, jâai passĂ© la barriĂšre de la premiĂšre nuit. La barriĂšre de la premiĂšre nuit, ce sont les inquiĂ©tudes Ă chaque bruit, Ă chaque craquement de branches ou chant dâoiseaux. Câest la crainte de se retrouver seul, en milieu plus ou moins hostile, dans un confort qui ne ressemble en rien Ă celui que peut tâapporter le matelas de ton lit (mĂȘme si comme le mien, il sâagit dâun IKEA premier prix). Mais bon, cette barriĂšre est sautĂ©e, on va commencer Ă sâamuser. Enfin, Ă mieux dormir.
Pour entamer cette nouvelle journĂ©e Ă randonner dans l’Essonne, je dĂ©cide dâune premiĂšre Ă©tape Ă Malesherbes, oĂč jâai repĂ©rĂ© un cimetiĂšre. En France, et ailleurs aussi jâimagine, les cimetiĂšres disposent trĂšs souvent dâun robinet dâeau, idĂ©al pour remplir les gourdes. Quoi quâil arrive, il me reste une dizaine de kilomĂštres Ă parcourir avant dâatteindre ce fameux cimetiĂšre. Pour la premiĂšre fois depuis mon dĂ©part, je quitte la forĂȘt pour arpenter des plaines cĂ©rĂ©aliĂšres, qui me rappellent tristement celles que jâai parcourues il y a quelques mois pour me rendre Ă Saint-Jacques-de-Compostelle. NĂ©anmoins, dans les plaines de la rĂ©gion parisienne, je prends le temps de mâinitier Ă lâobservation des buses. Les buses sont des rapaces de taille moyenne, que lâon retrouve gĂ©nĂ©ralement planant au-dessus des champs. On les diffĂ©rencie des milans (dont la ressemblance est souvent troublante), par leur queue.




Pour dĂ©jeuner, et aprĂšs ĂȘtre passĂ© chercher de l’eau au cimetiĂšre, je mâoctroie une belle et longue pause au bord de lâEssonne. Jây rencontre quelques badauds, mais aussi des marcheurs qui, comme moi, ont dĂ©cidĂ© de vivre le dĂ©confinement sur le GR1.
Je n’Ă©tais jamais parti randonner dans l’Essonne et je connaissais encore moins les magnifiques demeures qui y ont Ă©tĂ© bĂąties. Depuis Malesherbes, je prends un malin plaisir Ă observer ces immenses bĂątisses, propriĂ©tĂ©s de riches bourgeois parisiens (je suppose).



Dans lâaprĂšs-midi, je dĂ©cide de pousser jusquâau menhir de Pierre Droite. Comme tous bons menhirs qui se respectent, celui de Pierre Droite ressemble Ă un immense phallus abandonnĂ© par le temps, au milieu dâinnombrables terres agricoles qui se sont installĂ©es au fil des siĂšcles. En arrivant sur place, je comprends que la forme phallique donne des idĂ©es Ă certains. Deux motards, nus comme des vers et allongĂ©s dans lâherbe au pied du menhir, sâadonnent Ă des activitĂ©s physiques que je ne prendrai pas le temps de dĂ©crire. En tous cas, Ă leur maniĂšre, ils rĂ©ussissent Ă rendre honneur Ă la droiture du rocher qui trĂŽne ici.
AprĂšs avoir repris nos esprits, lâhomme du couple, alors trĂšs viril dans son pantalon de cuir, me demande si je compte bivouaquer ici. Je ne lui rĂ©ponds pas clairement puisque, il sâen doute sĂ»rement, jâhĂ©site Ă monter ma tente sur une herbe qui a Ă©tĂ© arrosĂ©e de foutre. Peu de temps aprĂšs, lui et sa compagne quittent le menhir. Je trouve finalement Ă quelques mĂštres de lĂ sur une parcelle de culture de pommes de terre, un espace plat qui aux vues des marques au sol doit servir de terrain de manĆuvres aux engins agricoles.



đ Samedi 16 mai
đ„Ÿ 20.3 kils
đ De la Pierre Droite au Rocher Bizet
Je me rĂ©veille aux cĂŽtĂ©s de mon champ de pommes de terre. Il nâa pas bougĂ© dâun seul millimĂštre, la nuit nâaura pas suffit Ă faire pousser de belles grosses patates.






En partant randonner au cĆur de la vallĂ©e de l’Essonne, jâemprunte un sentier qui traverse un bois trĂšs peu entretenu. Les bois peu entretenus sont faciles Ă reconnaĂźtre. Il nây a pas meilleure phrase que celle citĂ©e par les mĂ©dias lors du confinement :
La nature reprend ses droits.
Hormis le sentier, seul espace praticable de cet espace forestier, des annĂ©es de laisser-aller ont permis Ă la vĂ©gĂ©tation de devenir luxuriante. Une beautĂ© chaotique se dessine peu Ă peu, lâexpression de la nature est Ă son apogĂ©e. A la diffĂ©rence des Landes oĂč les arbres suivent un programme strict, oĂč tout est rectiligne et rien nâest laissĂ© au hasard, les bois et forĂȘts non entretenues empruntent des chemins aux directions variĂ©es, oĂč la plus petite des branches, mĂȘme morte et gisant au sol, peut jouer un rĂŽle dĂ©terminant dans le dĂ©veloppement dâun Ă©cosystĂšme. Une sorte dâeffet papillon en fait.
AprĂšs mâĂȘtre laissĂ© bercer par les pics Ă©peiches, je me dĂ©cide Ă reprendre la marche en direction de Boutigny-sur-Essonne, charmante petite bourgade. En chemin, je laisse derriĂšre moi une ancienne carriĂšre, amusante je dois dire puisquâelle sâinscrit Ă lâexact antipode de la forĂȘt dans laquelle jâĂ©coutais les pics il y a encore quelques minutes.
Une carriĂšre, câest creuser un Ă©norme trou, comme si nous cherchions Ă atteindre les enfers ; câest dĂ©terrer des roches enfouies depuis des millions dâannĂ©es (si ce nâest plus) ; câest dĂ©ranger un sol qui nâa rien demandĂ© Ă personne. Et pour quelle raison ? Pour permettre Ă lâHomme de se construire quatre murs, de vivre de maniĂšre sĂ©dentaire, dans une maison dont le seul charme ne sera pas la beautĂ© du lieu, mais les tristes souvenirs dâune vie monotone, alimentĂ©e par un mariage, des enfants, un chien, des vacances dans un camping quatre Ă©toiles du sud de la France. Finalement, creuser pour bĂątir, ne serait-ce pas une certaine forme dâanalogie ?






Dans lâaprĂšs-midi, jâentreprends une longue pause Ă lâarriĂšre dâune salle des fĂȘtes. Un robinet y est installĂ©, câest lâoccasion de reprendre de lâeau et de se laver. Je profite aussi de lâinstant pour mâassoupir, au soleil, sous une lĂ©gĂšre brise qui tend Ă le rafraĂźchir me corps.
Pour mon bivouac, jâai repĂ©rĂ© un lieu perchĂ© Ă plus de cent mĂštres (une haute altitude en Ăle-de-France), le Rocher Bizet, qui surplombe le village de Boissy-le-CuttĂ©. En arrivant sur place, je suis agrĂ©ablement surpris par le panorama que propose lâendroit : Ă mes pieds, le petit village de Boissy, plein de vie (enfin, essentiellement des bruits de moto-cross) ; face Ă moi, un soleil qui peine Ă passer sous lâhorizon. Je nâaurais pas pu trouver meilleur endroit pour apprĂ©cier le crĂ©puscule.
Malheureusement pour moi Ă la nuit tombĂ©e, une horde de jeunes pour la plupart mineurs et rĂ©pondants aux prĂ©noms aussi beaufs qu’amĂ©ricanisans (Melvin, Dylan, Kylian, et j’en passe), dĂ©cide de venir profiter du Rocher Bizet. Aussi, ils arrivent accompagnĂ©s d’une playlist dont l’artiste phare n’est ni plus ni moins que Gims, et Ă©quipĂ©s d’une hache pour apprendre Ă devenir bĂ»cheron sans doute (ou un homme peut ĂȘtre ?). Bref, je m’y attendais : quand la voix de Gims rĂ©sonne dans toute la vallĂ©e et surtout dans la tente, je me lĂšve pour partager avec eux cet agrĂ©able moment. Et quelle bonne surprise ! Ils ont dĂ©marrĂ© un feu et la vodka coule Ă flot.
Vers trois heures du matin, c’est diffĂ©rent. La vodka se fait rare, sauf dans les veines de nos jeunes incompris. Brian lance son dĂ©odorant Axe Cuir Cookies dans le feu, excellente idĂ©e. Marvin lance un concours de coups de poings (oĂč les chevaliĂšres sont autorisĂ©es), excellente idĂ©e. La situation dĂ©rape vraiment lorsque je retrouve Melvin, que je suppose d’ailleurs ĂȘtre le leader de la troupe puisque s’il n’Ă©tait pas aussi con son charisme pourrait servir la sociĂ©tĂ©, dans ma tente. Dans un Ă©lan de fureur, j’attrape Melvin par le col de son magnifique jersey bleu du Real Madrid pour le faire valdinguer quelques mĂštres plus loin. Il se relĂšve, me regarde et demande : « Bah quoi ? J’ai rien fais ».
Ce bougre de con me balance alors plĂ©thore d’excuses, m’indiquant qu’il n’avait jamais vu une tente comme la mienne donc qu’il s’Ă©tait octroyĂ© une visite de courtoisie ; ou encore, qu’il ne fallait pas que je vive dans une tente si je ne voulais pas que l’on y pĂ©nĂštre. A ce moment-lĂ , je comprends. Je comprends qu’il n’est peut ĂȘtre pas si con qu’il en a l’air, mais plutĂŽt que nos Ă©ducations ont Ă©tĂ© diffĂ©rentes. Et tant mieux pour moi. Par tous les moyens, j’essaie de le rĂ©sonner. Quelques-uns de ses camarades se joignent Ă nos Ă©changes, certains se rangent de mon cĂŽtĂ©. Nos discussions durent environ vingt minutes, au terme desquelles Melvin comprend qu’il doit s’excuser. Enfin. Merci.
Il est quatre heures. Tout le monde part se coucher.
đ Dimanche 17 mai
đ„Ÿ 17.8 kils
đ Du Rocher Bizet au Bois de Baville
Je me rĂ©veille un peu vexĂ© de la veille. Un type, mĂȘme pas majeur, a quand mĂȘme pĂ©nĂ©trĂ© ma tente. DĂ©pitĂ© et fatiguĂ© (il est huit heures, je n’ai dormi que quatre heures), je me remets en route. A peine descendu dans le bourg de Boissy-le-CuttĂ©, la tempĂ©rature me prend au corps. Il est tout juste huit heures passĂ©es, j’ai dĂ©jĂ chaud. La journĂ©e risque d’ĂȘtre longue.
Je dĂ©couvre en cette cinquiĂšme journĂ©e Ă randonner dans l’Essonne un dĂ©partement peuplĂ© de moto-cross, de dĂ©pĂŽts d’hydrocarbures, de piĂšges Ă liĂšvres artisanaux mais aussi de campings naturistes. Avec le recul, je me dis que ce mĂ©lange aurait finalement pu faire de cette portion du GR1 la meilleure portion. Mais non. Plus tard dans la matinĂ©e, je traverse de jolies petites bourgades Ă l’instar de Lardy et Torfou (avec un penchant trĂšs particulier pour la seconde). Aussi, nous sommes le premier dimanche du dĂ©confinement, des armadas de randonneurs parisiens dĂ©ferlent sur les sentiers du GR1. Aux alentours des quelques gares TER que je passe, il m’est frĂ©quent dâentamer une conversation.









Pour dĂ©jeuner, je m’octroie une longue pause en bord de chemin, qui prend d’ailleurs des airs de sieste plutĂŽt que de pause casse-croĂ»te.
En fin d’aprĂšs-midi, j’arrive en bois de Baville, situĂ© entre Boissy-sous-Saint-Yon au nord et Saint-Sulpice-de-FaviĂšres au sud (nous ne sommes pas au Groland). J’y fais la rencontre de DaphnĂ© (sans e Ă la fin comme elle le prĂ©cise), qui habite le coin depuis deux ans et qui bivouaque souvent. AprĂšs quelques Ă©changes, elle propose de m’emmener jusqu’Ă un endroit qu’elle connaĂźt comme tranquille. Aux vues des Ă©vĂšnements de la veille, j’hĂ©site. Mais quelques secondes suffisent Ă me dĂ©cider de la suivre.
AprĂšs une vingtaine de minutes Ă arpenter des sentiers de sable, typiques des pinĂšdes que l’on trouve dans la rĂ©gion, c’est chose faite. L’endroit est Ă l’abri des regards, derriĂšre des blocs de grĂšs. Seul bĂ©mol, le panneau rouge sur lequel est indiquĂ© en lettres majuscules : ATTENTION AUX VIPĂRES.
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