Réunion publique avec Parlons-En !

Le collectif Parlons-en à Châteaubriant.

Les printemps signent une note poétique dans l’éventail des saisons. Les fleurs poussent et les plantes germent. À Châteaubriant, les idées se bousculent et donnent naissance à de nouveaux débats. Il est 19 heures passées et le ciel, remué par de farouches cumulonimbus, s’éparpille entre averses et éclaircies. Au pied du château de la ville, cossue bâtisse dont la première pierre fut posée au siècle 11, le foyer-restaurant est percé de grandes fenêtres qui accueille des convives au visage débonnaire. Ce mardi 13 mai, les portes de la salle municipale sont ouvertes à de nombreux murmures. Le collectif Parlons-en ! s’apprête à ouvrir sa réunion publique.

Je m’assois parmi une foule bavarde, composée de femmes et d’hommes, de jeunes et de moins jeunes. Devant la quarantaine de personnes présente au rendez-vous, une assemblée collégiale échange des sourires complices. Pour la première fois, le collectif citoyen sort de sa tanière pour se dévoiler au public. L’objet de cette réunion est la présentation d’un travail de longue haleine. Les membres du groupe, soit une petite trentaine d’individus de tout bord, mais ancrés dans le pays de la Mée, viennent de terminer une enquête menée auprès de la population castelbriantaise depuis mars dernier. Sur des questionnaires distribués en ligne et dans les boîtes aux lettres depuis le mois de mars, Parlons-En ! libère la parole en interrogeant les sondés sur la qualité de vie à Châteaubriant : commerces, culture, logement, mobilité, etc.

Voyage, voyage :

Parlons-en ! au cœur de valeurs humaines

Les murmures s’estompent soudainement lorsque le micro est tendu à Stéphanie, l’une des membres du collectif. Son regard balaie la salle avec timidité. Sa voix tremble légèrement, comme n’importe quel interprète qui monterait pour sa première représentation sur les planches. Après de brefs remerciements, elle introduit le mouvement Parlons-en ! qu’elle définit comme un mouvement citoyen et apolitique qui répond à quatre critères. Stéphanie liste que le groupe s’est uni autour de son affection pour Châteaubriant, qu’il cultive l’envie de faire partie d’une solution à laquelle chacun est libre de s’associer pour améliorer le cadre de vie de la ville, qu’il entretient de fortes de valeurs d’humanité et de solidarité et que des idéaux communs comme l’accès aux soins et à la mobilité sont partagés par tous les membres. 

La foule, curieuse et attentive, s’efface définitivement. La salle, si blanche de l’intérieur, prend des allures de nef passionnées par le sermon qui lui est réservé. 

Parlons-en ! fit écho une première fois lorsque je fus convié à « boîter » – comprenez ici la distribution des questionnaires dans les boîtes aux lettres. Nous nous promenions sur les trottoirs des quartiers de Châteaubriant. Le ciel était grisonnant et le thermomètre affichait une température proche de zéro. Notre démarche énergique nous emmenait d’une boîte à l’autre. Sur les visages, je lisais aisément l’ambition que guettaient les membres du mouvement. Cette démarche militante transpirait, et transpire ce soir encore au foyer-restaurant, une envie pressante de s’émanciper par la communication. 

Si Parlons-en ! désire, pour le moment, ne pas arborer d’étiquette, le groupe s’appuie discrètement sur l’étymologie du mot politique : en grec ancien, polis signifie « citée organisée ». Le boîtage prend alors une dimension nouvelle où la parole de la cité est réorganisée selon un processus citoyen non représentatif. Les édiles ne constituent plus les seules voix de la ville, parce que Parlons-en ! offre à la plèbe un outil pour s’affirmer. 

Face à la foule, les membres du collectif se passent le micro comme des sportifs se lancent un ballon. La connivence est grande et rassurante, à l’image d’une belle équipe. 

Maxime, dont la barbe de plusieurs jours dérobe des fossettes et un sourire jovial, résume que cette réunion publique se limite à l’interprétation des résultats des questionnaires soumis aux citoyens et citoyennes de Châteaubriant au cours des dernières semaines. Le traitement statistique de l’enquête, qui comprend plus de 600 réponses, pose aujourd’hui un constat. À terme, il fournira la matière nécessaire à l’élaboration de propositions concrètes. 

André poursuit avec une analyse des opérations de boîtage. Ce petit monsieur au poil grisonnant relate avec sincérité les difficultés rencontrées par le groupe : cages d’escaliers fermées et inaccessibles ou oublis involontaires de certains quartiers de la ville – « L’erreur est humaine », se rassure le collectif. Pour déposer leurs questionnaires remplis, les Castelbriantais et Castelbriantaises pouvaient trouver une urne auprès de l’apiculteur du marché qui s’empare des rues de Châteaubriant le mercredi, une autre dans la librairie La liste de mes envies du centre-bourg. Deux autres urnes étaient à disposition des participants au centre d’arts contemporains Pelican-S et chez Emmaüs. De plus, le questionnaire restait accessible en ligne.

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Un questionnaire et des statistiques

Tour à tour, Camille, Yann, Marine, Maxime, et les autres membres du collectif se passent le micro et commentent les statistiques. La part des femmes dans les réponses s’élève à 57%, contre 38% pour les hommes. Plus de la moitié des 600 répondants déclarent être âgés de plus de 50 ans, et 40% se situer entre 30 et 49 ans. Les retraités représentent un tiers de l’échantillon. La catégorie des cadres et des employés s’ajustent chacun autour de 16%, tandis que la part des artisans, commerçants et chefs d’entreprises s’élève à 8%. La note globale donnée à Châteaubriant se hisse à 3,45/5 – « Une meilleure note qu’à New York », s’amuse un participant. 

Surtout, 50% des 600 répondants affirment qu’à Châteaubriant, l’écoute manque. Les préoccupations citoyennes ne sont guère assez entendues. Les paroles seraient soumises à des sourds. Ou alors, les politiques en place travailleraient-ils avec des œillères ? 

Les mandatures de la ville se succèdent sous un nom que les habitants de Châteaubriant connaissent depuis plusieurs décennies. Le règne Hunault démarre en 1959 lorsque Xavier, encarté à l’UDI, remporte ses premières municipales et succède à Paul Huard. Il conserve son écharpe de maire jusqu’en 1989, soit cinq mandats. Fervent politicien, il ajoute à sa fonction d’édile d’une ville d’une dizaine de milliers d’habitants les mandats de député (1962-1993) et de conseiller général de la Loire-Atlantique (1964-1988). En 2001, après deux mandats d’absence de la famille Hunault, le fils de Xavier, Alain Hunault, reprend le siège de la mairie quitté par son père. La même année, il devient président de la communauté de communes du Castelbriantais, qui devient la communauté de communes de Châteaubriant-Derval sous l’impulsion des réorganisations de territoires en 2017. De plus, Alain Hunault occupe la fonction de notaire, rapprochant de facto chacune des actions de l’édile du conflit d’intérêt. 

De telles mandatures retranchent les édiles dans des habitudes que l’âge croissant peinent à changer. Or, le renouvellement des populations de la ville, qui apporte avec lui une indubitable forme de progressisme, ne colle plus avec les politiques paternalistes dirigées par l’équipe municipale en place. Dans un contexte pourtant décrié par la presse locale et régionale, une seule vision semble correcte et presque gravée dans le marbre : celle de Monsieur le Maire.

La suite des questionnaires affiche les préoccupations des habitants de Châteaubriant. De loin, la santé inquiète. L’absence de médecins spécialistes ou les difficultés chroniques à trouver un généraliste sont les items phares. Ensuite, les sujets liés à l’environnement et à la mobilité mettent en exergue le plan de circulation désuet de la ville, l’écrasante présence de véhicules motorisés dans le bourg, la sécurité des piétons et cyclistes face aux vitesses et distances peu respectueuses de certains automobilistes. Il est aussi évoqué une offre culturelle lénifiante, jugée par certains comme trop élitiste et peu adaptée à un public qui aimerait l’organisation d’événements nocturnes, accessibles après les horaires d’école ou de travail. Le logement, la mobilité, les commerces et l’attractivité du centre-ville sont aussi des sujets abordés. 

Abroger la haine pour chercher le meilleur

Un journaliste de l’Éclaireur pianote sur son téléphone. Je suis installé derrière lui, en diagonal. Je ne vois donc pas son regard, mais j’imagine ses yeux vaguement égarés, presque perdus à cause de l’attention portée au téléphone qu’il tient en main, à l’ordinateur posé sur ses genoux, et au collectif qui poursuit sa présentation. Attirés comme une guêpe par le sucre, mes yeux se posent sur ses écrans allumés. Il compare ironiquement sur un groupe WhatsApp la réunion publique de Parlons-en ! aux problématiques abordées par la mairie du XVIe arrondissement parisien. Ses messages sont édulcorés d’émojis riant aux larmes. Je suis peiné de comprendre que les quolibets du journaliste – dois-je encore le qualifier ainsi ? – n’encouragent pas l’effort démocratique loué à cette réunion publique puisque, en son for intérieur, il colporte des passions fielleuses. La liberté d’expression doit rester un droit absolu et inébranlable, pourvu qu’elle ne véhicule pas de message incitant à la haine, à la violence ou à la discrimination. Moquer un collectif idéaliste dont la mission s’évertue à écouter son prochain en dit long sur le traitement actuel de notre société.

Je perçois Parlons-en ! mouvement comme une note d’espoir. Dans une ville où la politique semble figée, le collectif né il y a un an donne la parole à des citoyens qui sombrent dans l’oubli. Chacun dispose du droit de s’exprimer et peut affirmer ses sentiments face à des décisions dans lesquelles il ne se reconnaît pas ou plus. Le mouvement tend ainsi à se rapprocher d’une démocratie dite participative. Le citoyen existe au-delà de son bulletin glissé dans l’urne. Par son investissement personnel aux débats et aux décisions, il reprend la main sur l’organisation de sa cité et devient un acteur de sa propre société.

Maxime prend une dernière fois le micro pour remercier l’ensemble de son groupe ainsi que les nombreux convives rendus-là. Sous le poids des interrogations, il évoque avec mystère la future échéance de mars 2026. « Il s’agit d’une démarche personnelle qui ne correspond pas à l’ambition collective », explique-t-il. À ce jour, Parlons-en ! demeure un collectif apolitique, mais n’ambitionne pas la constitution d’une liste en vue de briguer les prochaines municipales. En attendant, de futurs ateliers pour échanger et débattre à propos des thématiques sociétales chères aux Castelbriantais et Castelbriantaises sont prévus d’ici à la fin de l’année.

Derrière nous, des tables ont été disposées et les membres du collectif nous invitent à échanger autour d’un verre. Des questions s’échangent en conciliabule, des voix plus véhémentes agitent le brouhaha. Dehors, quelques-uns fument une cigarette tandis qu’un maraîcher est venu offrir des plants de tomates qu’il n’aura plus le temps de planter. Une aura simplement naturelle plane autour du foyer-restaurant. Je comprends un peu mieux ce soir la définition sous-jacente de la démocratie participative à laquelle s’emploie Parlons-En !. Il s’agit de réunir des masses séparées par l’éclectisme pour, de nouveau, créer le lien qui confond les populations en une seule et même unité : forte et solidaire. 

Si vous désirez plus d’informations et suivre de plus près les échanges et réunions publiques menées par Parlons-en !, vous pouvez les joindre le collectif par email ou par Facebook.

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Commentaires
  1. Avatar de MEVEL
    MEVEL

    Merci, nouveau castelbriantais j’ai appris plein de choses.
    Je suis membre du collectif Parlons-en ! depuis quelques mois.

    Salut,
    Jean-Pierre

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