Au cours de l’hiver 2022, je me rends à Assouan en Égypte en compagnie de Fahd, un vieil ami. Dans notre regard s’érigent les rêves enfantins partagés par nombre de voyageurs et égyptologues. La liste comprend un fleuve mythique, ses temples, ses déserts, ses pyramides, et comme iconique moyen de transport, le train qui serpente de la capitale du Caire à la ville d’Assouan.
Parce que je photographiais à l’argentique et que les lueurs sombres du train ne répondaient pas aux attentes de mes pellicules à faible ISO, je joins à ce billet des clichés capturés sur les sites que nous avons visités, tous situés à quelques encablures de la grande ligne qui lie Le Caire et Assouan.
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📸 Olympus OM-1n avec pellicules Kodak Gold 200
🔗 Ce texte est inspiré de mon récit L’Égypte disponible chez Cicerone Éditions
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« Une poignée de croix dans un guide »
Assis dans l’un des restaurants qui sert les koshary les plus réputés de la capitale égyptienne, Fahd et moi ne nous empêchons guère de rêver notre itinéraire pour les trois semaines à venir. Dans le brouhaha d’une salle carrelée et éclairée aux néons, les odeurs sont belles et, dans nos bols, le koshary développe un goût de coloré. À notre grande habitude, la préparation du voyage est sommaire. Ce soir, seule une poignée de croix marquées sur les pages d’un vieux guide de voyage rédigé en anglais suffit à nous satisfaire. Nous aimons laisser une place de taille à l’imprévu, à la sérendipité.
Dans ce cosmos de l’aléa, nous avons toutefois soigné la question des transports. Pour gagner l’extrême sud du pays, la plus longue ligne de l’Egyptian Railways Company s’impose en seule idée envisageable. Des informations dégotées, un départ prévu à huit heures pétantes en gare du Caire propose un trajet de douze heures sur des rails cahoteuses, à bord d’un wagon aussi bondé que les images laissent l’imaginer, pour une destination aux portes du désert réputée pour son barrage et ses temps submergés : Assouan.
Le lendemain, le réveil sonne à six heures. Dans un ciel poussiéreux, le soleil timide et froid peine à s’affirmer. Le hall de l’hôtel est sombre. Son veilleur de nuit, un homme fatigué par la blancheur de ses nuits, est vêtu comme s’il partait mener une expédition aux confins du pôle Nord. Entre nos mains, nous tenons un grand café noir qu’il vient de nous servir pour nous réchauffer. Une épaisse fumée s’en dégage et donne du sens à la tenue de notre homme, rappelant par ailleurs la froideur relative des nuits de l’hiver égyptien. Sur le comptoir, le veilleur a posé une carte pour expliquer que la gare Ramsès, un nom emprunté à l’ancien grand pharaon Ramsès II, se situe à 30 minutes de marche de son établissement. La montre affiche six heures passées de 30 minutes, il nous fallait désormais marcher.
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Ramses II pour Assouan
La course est effrénée. Dans la plus grande gare du pays, tous essaient de se frayer un chemin. Les cordons de sécurité sont compacts, serrés. Des hommes sérieux vêtus d’uniformes kaki contrôlent les bagages de chaque passager, de la plus petite besace au plus grand sac de voyage. Les militaires, dont certains portent des armes à leurs élégantes ceintures de cuir blanc, épient les hommes, les femmes et les enfants à la recherche d’un comportement suspect.
Au passage du détecteur de métaux, le portique ne cesse de chanter. À notre étonnement, les militaires ne bronchent guère. Ils continuent d’épier dans un mutisme placide. Je me demande si les contrôles constituent une priorité où s’ils servent à renforcer quelque sentiment de sécurité. Nos sacs sur le dos, nous nous insérons dans la grande file pour passer, promptement, les contrôles sans qu’aucun des gardiens de la sécurité ne hausse un sourcil — je tiens à préciser ici qu’avant d’arriver en Égypte, j’achève une longue randonnée et qu’en conséquence, mon sac contient une bouteille de gaz ainsi qu’un couteau.
Nous pénétrons un hall immense décoré d’une architecture pharaonique. Les murs qui portent un plafond proche du ciel sont jonchés de colonnes aux allures de palmiers dorés. Malgré l’espace, le hall est bondé. Fahd et moi nous plantons sous le panneau d’information qui indique les destinations sans préciser les numéros de train, les horaires de départ de ces derniers, ou encore les numéros de quai. Nous nous regardons, presque trop étonnés que les gares égyptiennes ne se préoccupent point de ce genre de détails.
Alors, sous les panneaux d’informations, nous nous sentons couverts d’une immense solitude. Nous nous croyons étrangers d’une imperturbable fourmilière. Des voyageurs grouillent de toutes parts sans jamais faire attention à notre présence. Aucun d’entre eux ne se ressemble. Je compte toutes les tailles, tous les poids, tous les genres. Lorsqu’une nouvelle ville apparaît au panneau, les mouvements de foules ressemblent à la houle capricieuse d’un océan. Beaucoup se précipitent sur les quais, comme des vagues sur la plage.
Au bureau des billets, derrière une baie vitrée, une dame forte aux lunettes rectangulaires demande notre itinéraire. « Assouan, huit heures », lui répondons-nous. Elle nous reluque, l’air las, dépitée d’agir en automate, à sans cesse répondre à des demandes qui ne s’écartent jamais d’une du champ ferroviaire. Alors que nous nous attendons à d’autres questions, elle rive ses yeux sur l’écran et remue ses doigts épais sur le clavier. Elle tend deux tickets verts, guère plus grands qu’une carte bancaire, et réclame 190 livres chacun (dix euros). Nous sommes placés en seconde classe d’une voiture type « standard », non climatisé, sis dans le sixième wagon du train numéro 980.
Sur le quai que la femme aux billets a fini par nous indiquer, l’animation demeure toute aussi énervée, comme si le pays entier s’affairait au voyage de toute une vie. Sous les rayons luisants du soleil qui, à presque huit heures, inondent Le Caire, des enfants courent, des femmes s’impatientent, des hommes fument, des racoleurs tentent de vendre bibelots et autres babioles sans intérêt. Un homme traverse le quai, tenant sous le bras une large cafetière et sous l’autre des biscuits à partager. Fahd l’interpelle pour lui commander une boisson. Puis le train, comme une monstrueuse bête aux mouvements lents et pénibles, entre en gare.
Brèves de comptoir :
À bord du train pour Assouan
À bord, sous nos yeux collés à la fenêtre poussiéreuse, un paysage éclectique se dévoile : la traversée du Nil, les denses quartiers cairotes, les bosquets de palmiers, les vastes parcelles chlorophylles du delta, les villes essaimées et disparates, aux constructions tantôt neuves, tantôt délabrées. Chaque kilomètre avalé par notre géant de fer dévoile une nouvelle scène, unique, singulière et soufflée de détails saisissants.
Nous quittons l’insondable banlieue cairote quand le train adopte sa vitesse de croisière, une gentille quarantaine de kilomètres par heure. Plus nous nous écartons de la mégalopole, plus les cités s’effacent au profit de paysages agricoles.
Sur la mince bande de verdure, comprimée entre le Nil fertile et le désert aride, fourmillent des hommes que le dictionnaire égyptien appelle fellahs. Ils sont une classe de petits propriétaires agricoles, des paysans increvables que rien n’arrête, acharnés et destinés à nourrir toute une nation. Accroupis dans ce camaïeu de vert, ces hommes de tout âge s’affairent aux récoltes tandis que des ânes, déjà chargés à en perdre l’équilibre, patientent sans vraiment broncher. Le vert de la vallée scintille comme une émeraude délicate, sur lequel s’agitent des générations entières de fellahs. En toile de fond, au-delà de ces terres rudement travaillées, s’élèvent dans un ciel d’azur de rondes falaises aux nuances du désert. C’est brut. C’est joli.
À l’image de la crainte de Kessel à l’égard de certaines compagnies aériennes (voir La Vallée des Rubis, 1955), Fahd et moi cultivons quelques préjugés à propos de la société de chemins de fer égyptienne. Nous nous rappelons ces documentaires qui illustrent la vétusté des équipements des trains bondés des pays méridionaux. Aussi, nous gardons en souvenirs les récentes informations à propos des derniers accidents de la compagnie : en 2021, onze morts et 98 blessés lors d’un déraillement à Toukh, au nord du Caire ; en 2021 toujours, 32 morts et 175 blessés lors d’une collision entre deux trains à Tahta, au sud du Caire ; en 2019, au moins une vingtaine de morts et une cinquantaine de blessés après le crash d’une locomotive dans en gare du Caire.
Malgré ces informations et l’âge avancé de notre train, les wagons conservent un état très correct, tout aussi correct que les vieilles voitures Corail qui circulent encore sur certaines des lignes ferroviaires françaises. De toute manière, nous y sommes et ne disposons guère d’alternatives alors, nous donnons toute notre confiance en nos conducteurs et leurs monstres de fer. Aucune embûche, nous l’espérons, ne pourra entraver notre cheminement.
À l’extérieur, l’armature des wagons est teintée de blanc. Deux bandes, rouge et noir, aux couleurs du drapeau égyptien, y surfent poétiquement. À l’intérieur, les sièges, larges et inclinables, sont tous pourvus d’une petite tablette. Le tissu est rongé par la poussière, fatigué par l’usure. Le trajet est non-fumeur. Néanmoins, il est autorisé d’allumer une cigarette sur la plateforme où les portes, à l’occasion, restent ouvertes par les fumeurs qui ne souhaitent pas couper la conversation entamée dans le wagon.
Depuis ces plateformes, les passagers accèdent à des toilettes mixtes, rincées à l’eau claire une fois par trajet — pour rappel, notre trajet dure une douzaine d’heures et tous les wagons affichent complet. Pousser la porte de ces WC revient à pénétrer les enfers. Dans un wagon branlant, il faut parvenir à tenir l’équilibre sans toucher ni les murs, ni la cuvette, ni l’évier, tous arrosés du liquide jaune à l’odeur âcre. Face à la cuvette, il faut détourner le regard si l’on ne veut pas lorgner des traces d’excréments vieilles de plusieurs heures, voire de plusieurs journées. De plus, le petit robinet censé permettre un brin d’hygiène ne coule plus. En cas de chute, aucune ablution n’est envisageable. Les mains sont condamnées à la souille.
Un voyage dans le voyage
Sur une grande partie de la ligne, la vitesse de croisière ne dépasse guère les quarante kilomètres par heure. Assouan, si proche sur les cartes, semble à une éternité. Outre la capacité éventuellement limitée de la locomotive à tirer un tel assemblage, les dangers qui surgissent du bord des rails sont fréquents. Les lignes égyptiennes ne sont pas autant protégées que les lignes françaises. Sans vouloir attendre un passage à niveau, fréquent sont les bambins qui traversent la voie, tout comme le bétail ou les véhicules. À l’approche des centres-villes, lorsque le train prend l’allure d’un escargot, Fahd et moi nous amusons du comportement ahurissant des personnes qui passent par-dessous le train, par une incorrigible flemme d’attendre que ce dernier soit passé.
Dans le wagon numéro 6, ainsi que dans les trois quatre wagons attenants, nous sommes les seuls occidentaux. Quand le touriste se rend en Égypte, il emprunte rarement le train pour se déplacer. Il utilise les lignes aériennes régulières qui rallient Le Caire à Alexandrie, Hurghada, Charm el-Cheikh ou Assouan. En conséquence, être blanc et prendre le train tient de l’extraordinaire.
Je remarque une présence féminine presque inexistante comparée aux nombreux hommes. Parmi eux, deux jeunes garçons occupent une banquette de l’autre côté du couloir et interrogent, au moyen de leurs œillades insistantes, notre singularité. En fait, ils agrémentent l’ensemble des regards posés sur nos dégaines occidentalisées. Pour une fois, nous ne répondons pas à la norme et devenons malgré nous des objets non identifiés, des curiosités qui soulèvent mille et une questions. Quoique Fahd et moi entreprenions, que nous commandions un café, que nous nous levions pour aller fumer, que je tente une photographie ou quelques notes dans mon carnet, d’aucuns ne loupe l’occasion de nous reluquer.
Plus tard dans la matinée, je remarque le rapport qu’entretiennent les Égyptiens avec leur téléphone. Nous entendons une première sonnerie et l’homme assis devant nous décroche. Sur l’ensemble du trajet, l’Egyptian Railways Company et ses contrôleurs ne se préoccupent guère de la tranquillité de leurs voyageurs. D’une manière qui paraît étonnante — parce que dans les trains européens, nous avons l’habitude de répondre au téléphone sur les plateformes — tous les hommes qui décrochent n’ont d’alternative que d’entrer dans une escalade vocifère. Au-delà du chahut de la voiture, des sifflements du train, des palabres des passagers, il faut se faire comprendre, autrement dit hausser la voix. Pis encore, lorsque deux hommes côte à côte décrochent en même temps, il faut s’assurer que son correspondant entende la bonne conversation. Alors, ils ne parlent plus, ils hurlent. Ils pénètrent une bulle increvable et hermétique où n’existe que leur liaison téléphonique. Dans ce cas, les autres n’existent plus.
Aussi, je constate à la volée l’usage des réseaux sociaux par certains passagers. Dans un pays où le regard porté sur la femme est très différent du nôtre — pour des raisons liées aux us, aux coutumes et à la religion — je me divertis à l’observation des écrans illuminés sur lesquels défilaient des images de jeunes femmes vêtues et maquillées à l’occidentale. Dans un train où l’on comptait probablement neuf hommes pour une femme, et où cette dernière est recouverte d’un hijab ou d’un niqab, le contraste est déroutant.
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Entre vendeurs ambulants et personnages pittoresques
Dehors, le train qui fonce vers Assouan fend les airs comme un aigle la voûte du ciel. Les paysages changent peu. Le désert avale l’horizon et l’orbe solaire qui roule dans l’azur immaculé rend aux ombres l’impression de valser. Dans le wagon, l’air est de plomb. Peu à peu, une chaleur abrutissante gagne la voiture. Nous nous arrêtons dans plusieurs gares : Beni Suef, Minya, Asyut pour les stations dont le panneau à l’entrée est traduit en anglais. Nous n’avons progressé que de quelques heures seulement, Assouan est encore loin.
Lorsqu’aux arrêts Fahd ne descend pas du train pour acheter de l’eau, du café ou des biscuits, les vendeurs ambulants viennent à nous. Chargés comme des caravaniers, ils sautent à bord avant de descendre à la station suivante. Puis ils remontent alors dans un autre train, en sens inverse, et effectuent les allers-retours nécessaires à l’écoulement de leurs stocks.
Tous les vendeurs portent de gros sacs à l’épaule ou sur la tête, dans lesquels ils rangent leur marchandise. Certains vendent de la nourriture : des biscuits préparés maison à base de sucre et de miel, divers gâteaux et barres de céréales, des jus de fruits en boîte cartonnée, une maigre sélection de fruits à la fraîcheur douteuse, principalement composé de bananes. D’autres vendent des produits plus surprenants : des râpes à fromage, des bonnets et des écharpes, des écouteurs, des coques de téléphones, des rasoirs.
D’un pas décidé, les vendeurs traversent le wagon en déposant sur les genoux de chaque passager l’un de ces articles. Une fois au bout du wagon, ils rebroussent chemin. Les intéressés règlent l’article déposé sur leurs genoux pour une poignée de livres ; les autres rendent la camelote aux vendeurs, le plus simplement du monde.
Quand les vendeurs ambulants ne circulent pas, les mendiants prennent le relais. Souvent, ils sont des enfants, des femmes ou des handicapés. Nous lisons sur leur visage émacié, au travers de leurs corps voûtés, dans leurs allures claudicantes, à travers les trous de leurs vêtements, la difficulté à survivre dans un pays en voie de développement. En Égypte, le gouvernement ne semble pas proposer d’aide aux personnes les plus démunies, les plus fragiles. L’État Providence répond d’un concept vague, prématuré peut-être.
Les enfants, habillés de vieilles guenilles et au visage trop souvent crasseux, sont les plus insistants. La main tendue, ils peuvent demeurer plantés devant nous plusieurs minutes jusqu’à ce qu’un autre passager les déloge. Leur abnégation n’est pas une parade ni un jeu, mais le triste résultat d’un estomac qui crie famine. Les pièces et les billets qui traînent au fond de nos poches rendent le sourire aux premiers. Les derniers n’ont plus rien à espérer de nos porte-monnaie.
Les femmes revêtent pour la plupart un niqab. En échange de monnaie, elles tendent des papiers sur lesquels sont rédigées diverses prières. Dans l’après-midi, l’une d’entre elles ralentit à quelques sièges du nôtre. Elle tend son bout de papier et entre dans une transe incongrue. Face à cette scène, les passagers restent aussi plats que les eaux d’un lac. La femme, courbée sur son propre corps, lance des regards furieux et sombre malgré elle à petit feu dans la démence. Soudainement, elle s’arrête. Comme si elle avait achevé une représentation chorégraphiée, des passagers donnent une pièce. Puis elle disparaît, tonitruant à nouveau en direction d’autres wagons.
Les personnes en situation de handicap sont les plus discrètes, aussi les moins fréquentes. En fin de journée, un homme sans bras ni jambe traverse le wagon, une pancarte en carton accrochée autour du cou, indiquant probablement qu’un billet lui permettrait d’aller se coucher le ventre plein. Les passagers restent placides, plongés dans leur un ordinaire. La dignité a disparu. Sans soutien quelconque, l’homme doit s’en remettre à son statut de bête de foire pour espérer manger. D’un coin du train, des voix se soulèvent, des hommes rient. Pris de gêne, je ne sais que faire, saluer l’homme ou éviter son regard. De surcroît, mes poches sont vides. La scène est d’une rare tristesse, bien qu’elle semble ordinaire au regard de tous les autres.
Voyage, voyage :
Dernières encablures jusqu’à Assouan
Plus nous progressons, plus les ténèbres nous envahissaient. Nous avons abandonné les gares de Qena, de Luxor et d’Edfou, et la nuit vient d’engloutir le paysage. La température s’est rafraîchie. Beaucoup de passagers sont descendus. L’atmosphère devient agréable et la durée du trajet ne nous effraie plus. De plus, sans possibilité d’estimer le retard dont notre convoi est victime, quatre à cinq heures de trajet doivent encore nous attendre.
À l’approche d’Assouan, le train traverse une nuit noire comme le couloir d’une catacombe. Dans les lueurs branlantes du train, un commissaire de police nous rend visite l’ultime visite du voyage. Il est un homme grand et fort, au ventre large et rebondi. Sur son visage rond, il porte une immense moustache noire que son masque chirurgical poussiéreux peine à cacher. À sa ceinture, dans son étui, nous remarquons une arme de poing.
Probablement étonné d’observer deux blancs à bord d’un train à une heure si tardive, il pose dans un anglais délicat des questions sur notre provenance et notre destination. L’échange est fluide, amical presque. Quand le policier descend son masque pour s’assurer de se faire comprendre, il offre sous sa moustache bien fournie un chaleureux sourire. « Nous entrons en gare d’Assouan. Soyez prudents et bienvenus en Égypte », conclut-il.
Ainsi, après un trajet de presque seize heures, comprenant de facto quatre heures de retard, nous gagnons Assouan, victorieux. À la sortie de la gare que l’on aurait aisément décrite comme une simple gare de province, nous découvrons une ville étincelante. Il est presque minuit et sous le feu des lampadaires qui jaillissent au-delà de la place marbrée de la gare, je glisse à Fahd : « Assouan, the City that never sleeps ».
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