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Les nuages du départ



Sur les frontières du Ponant 1/13Nous sommes le premier jour de l’hiver 2024 lorsque je hisse mon sac à dos pour partir découvrir la Bretagne. Dans ma besace, j’emporte l’habituelle triade tente-matelas-duvet. Dans mon agenda, je tire un trait jusqu’au premier jour du printemps prochain. Ce récit est un extrait de mon journal de bord envoyé au cours de cette pérégrination. Les photographies publiées ont été capturées par mes soins, en chemin et à l’aide d’un argentique chargé de pellicules Rollei 400S.

📍 Redon (35)
📅 6 jours depuis le premier jour de l’hiver
🥾 78 091 pas cumulés depuis le départ à Rougé (44)
📖 La perle (1947) de John Steinbeck en lecture du moment
📮 L’extrait du journal dans son état original
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C’était la dernière soirée avant le départ. Dans la nuit teintée de noir, je cherchais les courbes du paysage, le galbe des bocages, le parfum du sauvage. Un léger brouillard recouvrait le territoire, enfermant sous un manteau humide les campagnes prisonnières de l’hiver. « Quel temps fera-t-il à partir de demain » ?

Je pensais aux vents impétueux qui balayaient les terres alors que je traversais les Balkans. La bura hurlait une chanson sèche comme le désert. Ses lamentations étaient pénibles certes, mais certainement moins humides que les prévisions qui rythmeraient les prochaines semaines.

La montre affiche 15 heures lorsque je pose le pied sur la voie verte en direction de la Vilaine. Les premiers pas amènent toujours des réflexions délicates. En infatigables marcheurs, on s’excite de transporter nos carcasses sur la route, de retrouver une vie d’ascète, d’embrasser les méandres des chemins. En revanche, on peine à dire au revoir. S’arracher aux siens est l’étape la plus difficile d’une aventure au long cours.

À lire dans l’Agora :

Je tends à croire que chaque nomade finit par trouver un lieu où il se sent bien. Mais qui oserait affirmer qu’un lieu définit un espace géographique délimité ? Je certifie sans ménagement trouver le mien dans le sourire heureux et complaisant de ceux qui m’aiment et m’encouragent. Ils fabriquent les fondations de mon temple. Ils illuminent ma voie. 

Lorsque l’on part sur les frontières du Ponant, le comble n’est pas tant d’oublier sa veste anti pluie (je me rends compte de cette bourde à l’entrée de Bain-de-Bretagne) ; plutôt de quitter son premier bivouac l’expression goguenarde, plaignant avec la discrétion d’un conciliabule sa propre condition. « C’est donc ça mon bonheur : me lever au milieu d’un paysage terni par l’hiver ». 

Depuis mon départ, je témoigne d’une météo accommodante, quoique fortement couverte et singulièrement venteuse. J’égrène les villages pour trouver la chaleur de quelque café. À Ércé-en-Lamé, j’achète des clémentines et on me paie un café, forme de troc édulcoré de bienveillance. « 650 kilomètres nous séparent de Saint-Étienne », m’apprend-on. Les voyages sont d’immenses cosmos dans lesquels se multiplient des milliers d’autres.

Voyage, voyage :

Sur les longues lignes droites, qui remplacent d’anciennes voies de chemin de fer ou chemins de halage, je cueille dans les fourrés pléthore de familles nombreuses. Des demi-douzaines de cervidés que les chasseurs n’auront guère eu l’occasion d’assassiner. Pour dormir, je plante ma tente ou je trouve refuge sous le couvert rouillé de vétustes wagons de marchandises. Pour célébrer Noël, je me contente du roucoulement de la Vilaine. Je m’arrête pour cuisiner un bouillon à l’échalote, véritable repas de fêtes.

Ce soir, je devrais gagner Redon. D’ici la fin de semaine, l’estuaire de la Vilaine me dévoilera le littoral et l’immense océan. Il me tarde de humer les embruns marins, d’inspirer l’iode comme une saveur divine.

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